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Soupir au salon avec des amis...
1 octobre 2005

Nouvelle d'Alain Dukarski (France)

 

L 'île de Délos…
Une nuit constellée d'étoiles.
Lètô, la titanide, adossée au massif du Cynthe, accouche d'Apollon.
Couvert d'un voile blanc, il reçoit une ceinture d'or, le nectar et l'ambroisie.
Deux servantes le rejoignent.
Ensemble, ils font route vers l'Olympe…

Ne vous retournez pas...


         Le rideau venait de se lever.

Dans un décor minimaliste, la scène doucement venait de s'ouvrir à la lumière. Un simple rocher, de grandes fleurs bleues, un ciel étoilé.

- Ne vous retournez pas !

Aloïs, la soixantaine éclatante était un homme bon et courtois. Plutôt bien conservé il accusait cependant un léger embonpoint qu'il tentait de dissimuler. Il avait un visage poupin, les yeux rieurs, les traits pas trop marqués, une stature qui donne immédiatement confiance et cette présence qui dégage une aura de sympathie. D'ailleurs, tout le monde s'accordait à dire que c'était un homme de bonne compagnie, aimable et serviable. De plus il savait aussi montrer beaucoup d'humour et aimait plaisanter. Chacun appréciait à juste titre, sa subtilité.

Rigoureux et loyal, il faisait preuve d'un sens inné du management. Ses employés reconnaissaient en lui des qualités de chef d'entreprise indéniables. Cette année était d'ailleurs pour lui des plus fastes. Reconnu meilleur manager de France, ses affaires prospéraient. Invité à rejoindre différents cercles intellectuels, c'était un homme très courtisé dont l'avis faisait autorité dans les milieux tant politiques que financiers. Il avait forgé sa carrière à grand renfort de ténacité, de volonté et aujourd'hui son empire industriel n'était plus discuté. Il avait su imposer le respect et la reconnaissance de ses pairs. S'il briguait à présent un mandat électoral pour la députation c'était bel et bien pour faire profiter de son expérience au plus grand nombre. Déjà par le passé, ses engagements auprès de diverses organisations non gouvernementales avaient mis l'accent sur sa générosité et son humanisme. De fait il avait toutes les chances d'être élu. Pour ce faire, depuis plusieurs semaines déjà, il multipliait les tribunes, arguant un discours politique efficace, prenant comme modèle sa réussite personnelle. Parti de rien, il avait su s'imposer et bâtir un exemple d'ascension sociale. Et s'il se devait d'être au premier plan afin d'asseoir un peu plus encore sa popularité face à ses adversaires, c'était avant tout sa passion pour la danse classique qui l'avait conduit ce soir à l'opéra. Il vouait un tel intérêt pour cet art qu'il s'était personnellement investi dans la réfection de l'édifice. Et c'est en tant que mécène qu'il finança une partie des travaux, notamment la restauration des sublimes fresques qui ornaient le plafond de la salle. C'est dans un tonnerre d'applaudissements que le public le salua lorsque le maître de cérémonie le remercia dans son discours d'inauguration juste avant le spectacle.

 

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Face au grand miroir, Clémence finissait ses étirements. Avec grâce ses bras s'allongeaient en une courbe fragile pour aller cueillir la pointe de son pied appuyé sur la barre d'entraînement. Combien de fois avait–elle fait ce geste depuis ses six ans ? Elle ne les comptait plus. Inlassablement elle répétait sans cesse ces mêmes figures forçant toujours un peu plus son corps gracile à se plier à ses exigences. Et c'est ainsi qu'année après année elle façonna à force de tortures savamment orchestrées sa plastique longiligne. Elle connaissait chacun de ses muscles, chacune de ses articulations les sollicitant toujours d'avantage afin que chaque mouvement, chaque pas, chaque arabesque atteignent la perfection. Jour après jour elle transcendait les limites de la douleur pour aller toujours plus loin sublimant le dépassement de soi. La souffrance était son quotidien, une souffrance jouissive, de celle qui apporte la satisfaction de s'être surpassé et le plaisir de maîtriser le mouvement parfait. Il était déjà tard et depuis plus de deux heures elle avait refait dans les moindres détails la chorégraphie qu'elle connaissait pourtant parfaitement. Herbert, assis au piano, lui fit comprendre d'un hochement de tête qu'elle en avait suffisamment fait pour aujourd'hui, qu'il était grand temps de partir. Elle lui sourit et obtempéra. Il faut dire que tous deux étaient tout excités à l'idée d'aller rejoindre Notre Dame. Même s'ils s'étaient tenus plutôt à l'écart de l'actualité de ces derniers jours ils ne pouvaient passer à coté d'un tel événement qui les marquerait certainement à jamais. Ce samedi 26 août devrait être un grand jour, assurément.

Alors qu'elle s'apprêtait, Herbert la regardait amoureusement se disant qu'il était l'homme le plus chanceux du monde. Il la voyait coiffer ses longs cheveux blonds jusque là cachés dans un petit chignon discret, dans un geste gracieux comme une douce caresse sans fin. Il aimait passer des doigts dans cette chevelure soyeuse, à chaque fois elle en frissonnait de plaisir. Elle était réellement superbe, féminine et féline à la fois. Lorsqu'elle dansait elle dégageait un véritable magnétisme, un charme naturel qui traduisait à merveille les émotions qu'elle se devait d'exprimer. Il en était tout de suite tombé fou amoureux lorsque pour la première fois il la vit sur scène. A cette époque il avait été reçu par les nouveaux dirigeants de l'opéra pour passer une audition afin de remplacer au pied levé le pianiste d'alors, un certain Samuel Berstein, parti sans laisser d'adresse du jour au lendemain. De suite ses origines et sa parfaite maîtrise de la langue française avaient fait la différence avec les autres postulants. Depuis il vivait plutôt confortablement, bénéficiant de certains privilèges indéniables que lui jalousaient bien des gens, notamment en terme de logement et de salaire. Il n'en tirait pourtant aucune fierté, bien au contraire, il n'était pas homme à faire étalage de ses biens. En revanche, il ne cachait pas cette revanche qu'il avait pris sur la vie, quand, fuyant la débâcle économique de son pays, il avait choisi de s'installer en France il y a 6 ans, sans le sous, subsistant entre combines et menus travaux. Alors quand vint à lui l'opportunité d'exercer à temps plein sa passion, malgré les implications politiques que cela imposait, il ne put y résister se disant qu'il serait toujours temps d'improviser un subtil recul si un jour on lui demandait des comptes. Et en cette période si particulière il avait l'étrange pressentiment que l'heure des explications étaient proches.

 

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-     Ne vous retournez pas ! , reprit la voix à peine audible. Ne faites pas un geste, ne dites rien, restez le plus naturel possible.

Une désagréable sensation de métal froid glaça le cou d'Aloïs. Instinctivement il esquissa un léger mouvement de tête vers l'avant, mais une pression plus appuyée le rappela de suite à l'ordre.

-     Vous avez une arme braquée sur vous, à votre place j'éviterais de bouger.

De suite Aloïs se figea, comme tétanisé, ne comprenant pas réellement ce qu'il se passait. Il espérait que quelqu'un lui fasse un signe qui aurait pu le rassurer, mais la salle n'avait d'yeux que pour le ballet qui avait débuté depuis quelques minutes déjà. Personne donc ne pouvait voir ce qu'il se passait au niveau du balcon d'honneur qu'il occupait, d'autant plus que la salle était plongée dans l'obscurité la plus totale. Ce soir là, on jouait "Apollon Musagète" et le public s'émerveillait de découvrir Apollon tourner lentement autour des trois muses, Calliope, Polymnie et Terpsichore.

- Le spectacle vous plait ? Muet de peur, Aloïs ne répondit pas.

- Vous n'aimez donc pas Stravinsky ? Vous n'appréciez pas ce style dépouillé ? Cette simplicité ? Vous avez remarqué qu'il n'utilise que des instruments à cordes frottées? Et voyez comment il répond au dénouement de la scène par la clarté des harmonies, par la limpidité des mélodies. C'est fascinant ! Les cordes soulignent à merveille le mouvement des corps, comme s'ils évoluaient dans une eau pure. Détendez-vous. Laissez-vous aller. Laissez les violons vous envahir, laissez les contrebasses entrer en vous… Et les violoncelles ! Que de sensualité dans ces violoncelles!


Aloïs tentait de se contrôler afin de comprendre ce qui lui arrivait, d'analyser la situation et d'essayer d'y trouver une issue rapide. La voix était posée, douce tout en étant ferme et tremblotante à la fois. En tout cas elle ne lui rappelait personne.

- Mais qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ?"  balbutia t'il…

- Chaque chose en son temps" répliqua la voix.

- Si c'est de l'argent que vous voulez, je… Je peux vous en donner…

- Tss, tss… voyons cher Aloïs, il n'est pas question d'argent…

Comme il commençait à s'ankyloser, il tenta quelques brefs mouvements des jambes.

- Ne bougez pas !!! " ordonna la voix d'un ton ferme immédiatement accompagné d'une pression plus forte encore du canon de l'arme dans le cou d'Aloïs.

- Mais vous tremblez très cher ! Ne seriez- vous pas aussi fort qu'on le prétend ? Cela m'étonne de vous. Je vous ai connu bien plus brave, bien plus impétueux. Mais en ce temps là, vous étiez en bien meilleure position, n'est-ce pas ?"

L'incompréhension la plus totale l'envahissait au fur et à mesure que le monologue avançait. Que voulait-elle donc dire cette voix menaçante et cynique ? Il ne comprenait rien à rien. Rien.

- Vous n'avez pas remarqué une chose au sein de l'orchestre ? Non ? Regardez bien… Il n'y a pas de piano. Aucun piano…

 

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Clémence était là, prostrée sur la frêle chaise en bois, les yeux mouillés, vides, hagards, les mains tremblantes, incapable de réagir. Même dans ses cauchemars les plus sombres elle n'avait jamais imaginé pareille horreur, pareille imbécillité, pareille cruauté. Elle s'était bien douté qu'un jour, certains l'auraient montrée du doigt, l'auraient condamnée verbalement. Mais jamais, au grand jamais elle n'aurait pu entrevoir une telle barbarie. Elle était là, le corps tuméfié, ses vêtements en lambeaux, abandonnée à la sauvagerie populaire. Les badauds la raillaient, l'insultaient… Certains lui crachaient même dessus. Elle qui était si fragile, si innocente… Tout s'était passé très vite. C'est vers 15 heures à l'Arc de Triomphe qu'avait été annoncée l'arrivée de celui qui allait devenir l'une des figures les plus marquantes du vingtième siècle. Aussi ils s'étaient empressés Herbert et elle de partir à Notre Dame rejoindre la foule venue en masse pour acclamer l'homme du jour arrivant en véritable libérateur. C'était véritablement un jour de liesse. Déjà hier lors de son élocution à l'Hôtel de Ville à 19h, tout Paris avait exprimé sa joie et sa reconnaissance. De partout le drapeau tricolore ressortait, les gens chantaient, dansaient, s'embrassaient pour fêter l'heureux événement tant attendu. On n'avait pas vu pareille explosion de bonheur depuis bien des années. Bien qu'un peu inquiet, Herbert accompagna Clémence à travers les rues de la capitale. Elle était réellement ravissante dans sa robe fleurie qui épousait parfaitement ses formes graciles. Ses cheveux tout juste tenus par quelques épingles virevoltaient dès qu'un léger courant d'air les croisait. Insouciante elle riait à voir toute cette population bigarrée exprimer sa folie communicative. C'était vraiment un jour exceptionnel. Des pétards fusaient de partout ! Des enfants dansaient ! Les couples s'enlaçaient ! Un air de liberté avait envahi Paris. La foule devenait de plus en plus dense. Il fallait jouer des coudes pour pouvoir avancer et c'est au milieu de cette invraisemblable bousculade que soudainement au carrefour de la rue Blanche et de la Rue Chaptal, Herbert ressenti un violent coup à la tête. Sans comprendre il tombe à terre, étourdi par la violence du choc. Il n'a pas le temps de reprendre ses esprits que le talon d'une botte s'écrase sur son visage. Clémence tétanisée devant son amant ensanglanté se sent alors happée par le flot de la foule et en quelques secondes se retrouve déjà à plusieurs mètres. Elle tente alors de revenir vers lui, se frayant un chemin à travers ces centaines de figures hurlantes et chantantes qui lui sont autant de masques d'un carnaval tragique. Au bout d'un ultime effort, elle parvient enfin à se dégager. Elle longe le mur, s'approche et, devant ses yeux horrifiés, voit deux hommes s'acharner à coups de coups de pieds et de crosses de fusils sur son amant défiguré. Statufiée, elle ne put que pousser un cri d'horreur avant de perdre connaissance… Il était 15h45, des fusillades retentissaient Place du parvis de Notre Dame ainsi que ça et là le long du parcours du Général. Clémence brisée sur la petite chaise de bois n'avait même plus de larme… Des mèches de cheveux jonchaient le sol…

 

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Aux portes de L'Olympe, Apollon vêtu d'un unique collant blanc exécute une variation des plus majestueuses. Il prend possession de la scène, en fait son domaine. Ses pas glissent, bondissent, virevoltent, ajoutent à l'élégance de la chorégraphie une subtile poésie corporelle. Calliope, Polymnie et Terpsichore habillées d'un blanc immaculé le rejoignent, le saluent comme il se doit. Chacune se voit remettre des mains de celui qu'elles ont choisi comme guide, un symbole des arts qu'elles personnifient. A Calliope, la muse de la poésie, il offre une tablette. A Polymnie, la muse du théâtre il lui choisi un masque… Quant à la muse de la danse et du chant, Terpsichore, il lui donne une lyre…

-     Que pourrais-je bien vous offrir Aloïs ?

Il ne répondit pas. Des gouttes de sueur perlaient à son front, de cette sueur froide qui glace les tempes lorsque la peur est au rendez-vous.

- Il va bientôt falloir conclure, le ballet touche à sa fin. Néanmoins, j'aimerais vous faire un petit cadeau en guise d'adieu. Une sorte de fil conducteur qui vous liera à moi. Oh ce n'est pas grand chose, mais il me semble important de vous l'offrir.

Aloïs n'en pouvait plus. Il avait de plus en plus de mal à tenir en place, mais à chaque fois qu'il tentait de bouger pour détendre ses muscles crispés, une douleur vive dans le cou lui rappelait l'arme pointée sur lui.

- J'imagine votre effroi, vous savez. Cette désagréable sensation de se sentir impuissant, de ne pas comprendre. Coincé entre douleur et frayeur. Je connais tout de vos angoisses… J'en suis responsable… Je les ai voulues… Je les ai vécues… Vous me les aviez vous-même offertes.

En un instant Aloïs revisite son passé, tentant de se remémorer aussi vite que possible les erreurs qu'il avait bien pu commettre tout au long de sa vie. Il scrute ses souvenirs enfouis, ceux qu'on cherche à oublier, mais rien ne vient. Aussi loin qu'il peut plonger en sa mémoire, il ne parvient pas à visualiser ce dont on l'accuse.

- Je vous en prie, dites-moi ce que vous voulez, dites-moi ce que j'ai fait, pour l'amour de Dieu… Je vous en supplie…

A cet instant, une main passe au-dessus de son épaule et laisse tomber une mèche de cheveux…

- Souvenez-vous, Aloïs… Souvenez-vous…

 

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Herbert gisait sur le sol. Autour de lui s'était formée une petite troupe qui semblait n'avoir aucune compassion à son encontre. Bien au contraire, on aurait cru que la vue du sang excitait d'avantage la sauvagerie ambiante. Les noms d'oiseaux fusaient, les crachats pleuvaient. Chacun y allait de ses insultes et de sa haine. Herbert la mâchoire fracassée ne pouvait plus répondre… De sa bouche béante un mince filet rouge coulait. Tandis qu'il gisait sur le sol, un des hommes dirigea son arme sur lui. Un coup de feu retentit. Le crâne de Herbert explosa sur les pavés… L'hystérie collective qui suivit fut indescriptible, la foule saluant ce haut fait d'arme, comme s'il s'agissait là d'un acte de bravoure ultime. Herbert venait de payer la rancœur de tout un peuple alors que son seul crime avait été d'être né du mauvais coté de la frontière. Rien de plus. Il n'avait jamais milité pour quoi que ce soit et ne s'était jamais engagé dans un quelconque combat. Il était, comme des millions d'autres, victime d'une folie qu'il condamnait. Bien sûr, il avait fait l'erreur de remplacer Samuel Berstein, certains l'ayant même soupçonné de l'avoir dénoncé auprès des autorités, mais Herbert aurait été bien incapable d'un tel acte et pour lui la disparition de son prédécesseur resterait un mystère. Pour lui seulement… La seule passion qui l'animait c'était la musique, et, son seul amour, c'était Clémence. Clémence… La belle Clémence. Douce et féminine. Toute en grâce et sensualité. Leur amour avait grandi au fur et à mesure de leur complicité. Chaque regard, chaque sourire exprimait bien plus que leurs sentiments. Tout en eux reflétait la tendresse et la passion qui les liaient. Que ce soit en répétition ou dans l'intimité, ils étaient inséparables. Lui, vouait une fascination sans pareille à cette femme à peine sortie de l'adolescence dont le charisme et la présence sur scène l'envoûtait. Elle, elle était subjuguée par le jeu subtil de ce virtuose qui, bien que plus âgé qu'elle, était celui avec qui elle voulait finir sa vie. Et lorsqu'ils étaient devenus amants, jamais ils n'auraient imaginé que cet amour là, pur, entier, merveilleux auraient pu se solder en bain de sang. Alors que Clémence détruite, hagarde, criait hystérique, un des homme lui asséna un violent coup. Recroquevillée sous la douleur, elle fût traînée à travers les rues jusqu'à ce petit immeuble terne où ses bourreaux avaient leurs habitudes.

 

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A l'appel de Zeus, Apollon gravissait le rocher… C'était déjà le dernier tableau. Aloïs écoutait tremblant le récit de Clémence. Maintenant il savait. Il se revoyait quarante ans plus tôt, alors jeune résistant, en ce jour de la libération de Paris, il traquait l'ennemi dans les moindres recoins de la ville. Il se souvient bien de ce pianiste allemand qu'il avait débusqué au sortie de l'opéra et qu'il avait purement et simplement exécuté au nom de la Patrie ! Il revoit les yeux épouvantés de cette jeune danseuse pleurant son amant abattu. Il réentend le bruit des lames de ciseaux s'entrecroiser dans la chevelure blonde de celle qui le tenait à présent en respect. De celle qui avait commis l'irréparable, l'inconcevable… Elle avait couché avec un Allemand… Aloïs était au plus mal, il ne voyait aucun échappatoire à son tragique destin qui se dessinait. Tout était clair.
Clémence n'était plus jamais montée sur scène depuis ce sinistre jour. Les blessures qui lui avaient été infligées l'avaient marquée à tout jamais. Non seulement des blessures morales mais des blessures physiques qui l'avaient sérieusement diminuée. Aujourd'hui à l'aube de ses soixante ans, elle savait que le temps lui était compté, les douleurs toujours présentes avaient augmenté avec l'âge…

 

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-     Nous arrivons au terme, Aloïs… Il est temps de se quitter.

 

Aloïs ferma les yeux…Un frisson lui parcoura le corps.


Quand le coup retentit, Clémence s'effondra lourdement…


Éclaboussé de sang, Aloïs ne bougeait pas…


Un courant d'air souffla une mèche de cheveux tombée là sur le sol.



Documentation :

Apollon Musagète

Chronologie de la Libération

 

© Alain Dukarski 20/10/2004

 

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